Pentecôtisme au pays des soviets
Nous sommes accueillis comme invités au Premier Congrès de Pentecôte de toute l’Union qui se déroule du 12 au 15 mars 1991, à Moscou.
Nous sommes salués par le représentant du présidium du conseil suprême des affaires religieuses d’URSS, par celui des églises baptistes, par ceux des églises de pentecôte non enregistrés (Biélir et Fédotov), et près de soixante délégués (dont celui de l’AEP) venus des pays étrangers qui depuis des années aident les frères d’URSS, près de huit cent responsables de pentecôte se sont réunis en mars 1991 à Moscou, pour vivre des moments historiques qui virent la formation de l’union des croyants de pentecôte d’URSS.
Dimanche après-midi, près de la basilique de Basile le bienheureux, sur la place rouge, se tint une réunion en plein air, animée par la chorale de l’église de pentecôte de Moscou, et enregistrée par une station de télévision chrétienne norvégienne venue filmer pour l’occasion.
Après trois jours de délibérations, où la confession de foi et les statuts de l’union des croyants de pentecôte furent adoptés, R. Bilas fut élu comme président, avec pour vice-président les frères DURILO, SERDITCHENKO et RECHIKOVIETS. Avec émotion, tous les participants se joignirent aux prières des frères venus de l’étranger qui demandaient la bénédiction de Dieu sur ces responsables nationaux.
Avant le congrès
Un premier congrès de pentecôte a pu se tenir en Ukraine dès 1904. Mais en 1909, la persécution s’abattit sur les croyants de pentecôte.
Un deuxième congrès put être organisé en 1939, en Ukraine et en Biélorussie. Après la guerre, la persécution recommença.
En 1960, pendant la période de Kroutchev, les croyants de pentecôte eurent l’autorisation de se faire enregistrer, mais de façon autonome, et sous le couvert d’une autre organisation religieuse : l’union des chrétiens baptistes.
Ils étaient représentés au sein de cette union par le pasteur R. BILAS. Les mille églises pentecôtistes enregistrées de l’époque étaient considérées comme une secte par les autorités soviétiques. Les cultes ne pouvaient se tenir que dans les maisons particulières.
Jusqu’en 1988, aucune loi soviétique ne fut franchement favorable aux croyants de pentecôte.
Le processus démocratique qui semble essayer de se mettre met en place en URSS a été rapidement perçu comme la réponse aux prières que les croyants faisaient monter vers le Seigneur.
Les autorités soviétiques acceptèrent enfin en 1988, que les croyants de pentecôte sortent de l’union baptiste pour former leur propre union.
En vue du congrès
De 1988 à 1991, un gigantesque travail a été réalisé dans les églises de pentecôte enregistrées par un conseil de coordination qui a travaillé à la mise en place de l’union des chrétiens de foi évangélique (CFE), qui rassemble ce qu’en occident nous appelons les chrétiens de pentecôte enregistrés.
Trois ans ont été nécessaires pour essayer de connaitre, de rassembler les croyants de pentecôte déjà enregistrés et ceux qui désiraient le devenir, de reconnaitre qui étaient les croyants de pentecôte non enregistrés et de jeter les bases de l’union actuelle des chrétiens de foi évangélique.
En fait si le congrès s’était tenu en 1988, il aurait été très difficile de l’organiser, car jusqu’en 1988 les pentecôtistes d’URSS ne se connaissaient pas entre eux.
En en mars 1991, la plupart d’entre eux se découvraient encore les uns les autres.
Union de pentecôte enregistrée
L’union de pentecôte enregistrée recense actuellement cent mille croyants ayant survécu à la persécution, à l’isolement et aux brimades des années passées, six cent églises actives, et trente pasteurs responsables de région (épiscopes).
Mais il est encore bien difficile de faire des statistiques car le dénombrement des pasteurs et des églises n’est pas encore tout à fait terminé.
La conférence de mars 1991 a eu pour but de faire adopter les statuts, la confession de foi, et d’élire les frères responsables de l’union de pentecôte (CFE), de manière à ce que le gouvernement soviétique en officialise les églises au même titre que les autres religions en URSS.
Les problèmes actuels
Evangélisation
L’évangélisation est devenue le principal problème des églises (enregistrées ou non).
Car jusqu’alors malgré l’interdiction d’enseigner les enfants dans la foi, les églises étaient principalement renouvelées par la conversion des enfants des chrétiens.
Actuellement bien peu de pasteurs sont à même de relever efficacement le défi que représente l’évangélisation d’un tel pays.
Salaire du pasteur
Les pasteurs des églises devaient jusqu’à maintenant avoir une activité salariée reconnue.
Car, au pays des soviets, on n’a pas le droit de ne pas travailler dans une entreprise.
Les pasteurs qui veulent se consacrer entièrement à leur ministère doivent payer jusqu’à 60% de leur salaire en impôts. Les frères qui en ont la possibilité se déclarent employés de leur " mission de charité ".
Il est également question que les églises qui le pourront, permettent à leur pasteur de recevoir une rémunération qui leur permette de ne plus travailler à l’usine ou au bureau et d’assumer leur ministère.
Limites du centralisme
Enfin, il faut se rendre compte des limites que pose tout centralisme d’une organisation, même chrétienne, en URSS, qui doit réussir à donner une même ligne de conduite aux croyants des seize républiques différentes.
Car pour être reconnue par les autorités soviétiques, les croyants de pentecôte ont dû déposer les statuts d’une organisation valable dans l’ensemble de l’URSS.
Mais on ne vit pas sa foi de la même manière à Moscou, en Sibérie ou en Arménie, car les lois locales ne sont pas forcément les mêmes.
Diversités des langues
Il faut se rendre compte des diverses langues parlées dans un tel pays. De nombreuses églises de pentecôte sont implantées en Ukraine, mais d’autres républiques sont de véritables champs de mission.
Et il faut que les Arméniens (où un réveil se manifeste en ce moment) puissent lire la Bible en Arménien, les Lithuaniens en Letton, et pas uniquement dans un texte Russe, qui est parfois perçu comme la langue d’une puissance d’occupation.
Les non enregistrés
Les croyants des églises de pentecôte non enregistrés, représentent environ cent mille croyants.
Continuant de penser que l’enregistrement est contraire à l’évangile, les croyants de pentecôte non enregistrés utilisent la loi d’automne 90 qui leur permet de se réunir en assemblée, sans avoir l’obligation de se faire enregistrer.
Cependant, pour évangéliser, les croyants de pentecôte non enregistrés déclarent aux autorités soviétiques des "missions de charité " qui peuvent alors évangéliser dans les hôpitaux, les prisons, ou même dans la rue, sous couvert d’une action sociale.
Relations avec les non enregistrés
Bien que les options différentes soient prises, l’union des chrétiens de foi évangélique (pentecôtistes enregistrés) travaille en commun avec les deux autres tendances pentecôtistes d’URSS, à savoir la tendance dure (FEDOTOV) et modérée (BIELIR). (C’est à l’une des premières rencontres de ce type que nous avions assisté en juillet 1990, à Moscou).
Quatre comités inter-tendance ont été créés pour un travail en commun : évangélisation, enseignement, relations extérieures et édition.
Ordinateur
Au cours de la conférence, nous avons pu avec les frères du Canada, représentés par le frère Bill CORNELIUS, superintendant des églises du Canada, offrir (4. 000 $ AEP France et 6.000 $ Canada) de quoi acheter un ordinateur pour aider à gérer l’union des croyants de pentecôte qui vient de se former. Les frères d’URSS remercient chaleureusement les croyants de France pour leur généreux don.
Quelques besoins
Les besoins sont immenses pour un si vaste pays. Pendant trois jours du congrès, nous avons eu à cœur de contacter personnellement près de cent pasteurs, parmi ceux qui ne reçoivent aucune visite de l’étranger.
Voici quelques-uns de ces contacts.
Sibérie
Le frère MAKUTOV travaille en Sibérie, par le moyen de spectacle sur la vie de Jésus, et de travail parmi les enfants. Des articles de presses locales relatent élogieusement son travail.
Il existe des chrétiens baptisés dans l’Esprit dans presque chaque village de Sibérie, qui se réunissent par groupe de 5 à 50 personnes.
Mais les distances étant trop grandes pour permettre des contacts entre les rassemblements, chaque groupement doit se débrouiller tout seul. Il existerait peut-être pour toute la Sibérie 4 ou 5 pasteurs de pentecôtes (et 2 ou 3 pasteurs baptistes).
Kazakhstan
Vladimir LIASCHEVSKI est le jeune pasteur d’une église non enregistrée de 30 membres, fondée depuis 4 ans dans la vie de Shevchenko, entre la mer Caspienne et le désert.
Caucase
Les chrétiens sont très persécutés dans le Caucase. Par exemple, les géorgiens qui sont en majorité orthodoxes ou catholiques, disent que les pentecôtistes ont le " Dieu des russes. "
Arménie
Samuel NAVOLIAN, pasteur d’une église de 60 membres enregistrée depuis 4 ans, qui se réunit dans la maison de la culture, nous fait part du réveil qui se manifeste dans sa région et des problèmes spécifiques à l’Arménie où les statuts de l’union de pentecôte rédigés pour les ensembles des 16 républiques d’URSS ne peuvent toujours pas s’appliquer.
Mariupol
Vladimir FRANTCHOUK, dans la ville de Mariupol, (sud-ouest de l’Ukraine) est le représentant d’une mission d’évangélisation qui travaille dans les régions de Donsk ; d’Oudmourtie (à l’ouest de l’Oural, ville d’Ustinov), et de Chevtchenko (Kazakhstan).
Cette mission anime 5 écoles bibliques (cours donnés dans des églises locales pour les frères qui désirent servir), dont une ouverte en janvier 1991 dans la région à l’ouest de l’Oural (Sibérie) qui comprend 30 élèves.
Zaporodjie
Le jeune pasteur JOURAVEL, de la ville de Zaporodjie (1 million d’habitants, Ukraine, 2 églises de pentecôte enregistrées), a une église de 500 membres, et une mission d’évangélisation.
Ce frère a fait 15 ans de prison, car étant membre du parti, il a rendu sa carte en se convertissant.
Le frère développe maintenant l’évangélisation dans la prison où il a été enfermé, et distribue de la littérature dans la ville.
Besoins
Tous ces frères (et ceux que nous ne citons pas, faute de place) ont un grand besoin de Bible et de littérature, si possible dans leur langue.
Ils réclament l’assistance de nos prières, car ils sentent que la porte qui est entrouverte maintenant risque de se refermer comme dans le passé.
J. M. NICOLLE